Middle East Watch

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ATTAQUE ISRAELIENNE DANS LA BANDE DE GAZA « Droit de réponse »

PLATEFORME DES ONG POUR LA PALESTINE

dimanche 13 صفر 1430

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Le 27 décembre 2008, l’armée israélienne lançait l’opération « Plomb durci » sur la bande de Gaza, opération la plus meurtrière dans les Territoires palestiniens depuis 1967. 1314 Palestiniens ont été tués et 5000 blessés. Les dégâts matériels sont innombrables. Cette attaque est venue aggraver encore davantage la crise humanitaire causée par 18 mois de blocus israélien, qui représente une punition collective au regard du droit international. Les représentants israéliens ont avancé plusieurs arguments pour justifier cette opération. Ce « droit de réponse », en 6 points, développé par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine a pour but de donner une autre grille de lecture sur ces trois semaines de guerre.

1. « Israël n’avait pas d’autre choix que d’attaquer en riposte aux roquettes tirées par le Hamas depuis 8 ans, à l’origine de la mort de 20 civils israéliens. Comme tous les pays, Israël a le droit et le devoir de défendre ses citoyens. »

Les tirs de roquettes ne peuvent être présentés comme un événement indépendant de la politique israélienne d’isolement de la bande de Gaza, qui a créé les conditions de la radicalisation actuelle.

Malgré le « désengagement » israélien en 2005, la bande de Gaza a continué et continue d’être soumise par Israël au contrôle de son espace aérien, de son espace maritime ainsi que de ses frontières terrestres. Cette politique s’est renforcée depuis l’élection du Hamas en janvier 2006 pour devenir un blocus total, suite à la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas en juin 2007. Ce blocus est une violation de l’Accord sur l’accès et le mouvement signé entre l’Autorité palestinienne, Israël et l’Union européenne, qui n’a jamais été appliqué.

Les restrictions qu’impose Israël, à défaut d’amoindrir le Hamas, ont conduit à un affaiblissement des infrastructures de base, à un accroissement de la pauvreté et une augmentation du taux de chômage. Avant l’attaque israélienne, 3 500 industries sur 3 900 avaient fermé temporairement ou définitivement et 80% de la population vivait dans la dépendance de l’aide humanitaire.

En représaille au lancement de roquettes sur le territoire israélien, la population de la bande de Gaza était soumise depuis deux ans à des bombardements que John Dugard, Rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’Homme dans les territoires occupés, qualifiait de « graves crimes de guerre ». Depuis 2005, 1 245 Palestiniens ont été tués.

Israël défendra d’autant mieux ses citoyens s‘il s’attaque aux causes de leur insécurité, en mettant fin au blocus et à une occupation longue de 41 ans, condamnée par la communauté internationale. Le droit de légitime défense d’un pays ne signifie pas violer les droits de l’ensemble d’une population.

2. « Israël a mis fin à son occupation de la bande de Gaza au cours du « désengagement » de 2005. De la bande de Gaza aurait du naître la base d’un Etat palestinien mais ses habitants ont choisi la voie du conflit. »

En août 2005, le gouvernement israélien a présenté son geste comme une avancée vers la solution de deux Etats. Ce désengagement s’est toutefois opéré de façon entièrement unilatérale, en dehors de tout cadre global de négociation. L’enfermement de la bande de Gaza est une forme de punition collective à l’encontre de la population palestinienne et constitue ainsi une violation grave du droit international humanitaire. Israël, qui s’est « désengagé » de la bande de Gaza en 2005 tout en conservant un contrôle effectif sur le territoire, a une obligation légale en tant que puissance occupante de s’assurer du bien être de la population palestinienne. Le respect de cette obligation ne doit pas dépendre d’impératifs politiques.

Dans un entretien avec le quotidien Haaretz en 2004, un proche conseiller d’Ariel Sharon, Dov Weisglass, expliquait les raisons du désengagement israélien : « La signification du plan de désengagement est le gel du processus de paix[…] Il fournit la quantité de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens ».

3. « Le Hamas a violé le cessez-le-feu et porte donc toute la responsabilité de la situation ».

Israël et le Hamas ont conclu un accord de trêve d’une durée de 6 mois le 19 juin 2008 (selon cet accord, Israël devait réouvrir progressivement les points de passage de et vers la bande de Gaza en échange d’un arrêt des tirs de roquettes). Le nombre de ces tirs a diminué de 96% entre Juillet et Novembre 2008 .
Le blocus israélien s’est lui poursuivi et a empiré. En août 2008, selon le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations unies, le niveau des importations avait chuté de 30% par rapport au mois précédent. En octobre, le nombre de chargements de camions autorisés dans la bande de Gaza était 30% inférieur au mois de septembre. Aucune exportation n’a été autorisée, et ce depuis Février 2008. La circulation des personnes a été quasi inexistante. Les deux passages principaux (Rafah et Erez) de et vers la bande de Gaza depuis l’Egypte et Israël sont demeurés fermés, et ce depuis le 9 juin 2007.

Le 5 novembre 2008, 6 semaines avant la fin de la trêve, l’armée israélienne a lancé une attaque visant à neutraliser des tunnels entre l’Egypte et la bande de Gaza tuant 15 membres du Hamas, entraînant une série de tirs de roquettes.

4. « Israël n’a fait que viser les combattants et infrastructures du Hamas et non le peuple palestinien.

L’offensive israélienne a visé tous les secteurs de la bande de Gaza : commissariats de police, bâtiments résidentiels, ateliers, serres, puits d’eau et pompes, bâtiments administratifs, hôpitaux, ambulances, écoles, mosquées…qui ne constituaient pas des objectifs militaires. Les attaques israéliennes ont visé plus que l’infrastructure du Hamas.

Violation du principe de proportionnalité : Le 27 décembre, Israël informait le Conseil de sécurité des Nations unies que son attaque dans la bande de Gaza constituait une réaction aux tirs de roquettes et qu’il agissait ainsi « conformément au droit de se défendre que reconnaît à tout État l’article 51 de la Charte des Nations Unies ».

En se réclamant de la légitime défense , Israël se plaçait dans l’obligation de respecter le principe de proportionnalité, qui en constitue une condition inhérente. Au titre de la légitime défense, l’attaque israélienne, en raison de la violence et l’amplitude de l’attaque, se situe clairement en dehors de toute proportionnalité.

Ensuite au regard du droit international humanitaire, comme le Comité international de la Croix rouge le précise : « Sont interdites les attaques dont on peut attendre qu’elles causent incidemment, à la population civile, et aux biens civils, des pertes et des dommages excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ». Ce principe vaut pour toutes les parties. Au vu du nombre de victimes civiles, le principe de proportionnalité n’a pas été pris en compte pendant l’attaque israélienne.

Violation du principe de précaution : Au vu de la densité de la population dans la bande de Gaza, une attaque militaire avait toutes les probabilités d’avoir de graves conséquences. Dans ces circonstances il était de la responsabilité d’Israël, au regard du droit international humanitaire, de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas toucher la population civile, qui en outre ne pouvait pas fuir à l’extérieur de la bande de Gaza.

Violation du principe de distinction : Ce principe commande de différencier les personnes civiles des combattants ainsi que les biens civils des objectifs militaires. Au regard du droit, les militants du Hamas demeurent des civils tant que ceux-ci ne prennent pas part à l’élaboration ou à l’exécution d’opérations militaires. La Cour suprême israélienne a elle-même reconnu, dans le cas des « attaques ciblées », que l’approvisionnement de « terroristes » en moyens logistiques ou nourriture ne pouvait justifier une attaque directe . Dans le cas où le Hamas a effectivement utilisé la population civile comme bouclier, ce que le droit condamne, le principe de distinction entre combattants et civils demeure.

5. « Le Hamas est une organisation terroriste qui refuse de reconnaitre Israël ou les accords passés par l’OLP avec Israël. Il n’est pas un interlocuteur possible, contrairement à l’Autorité palestinienne ». .

Si certaines positions et actions du Hamas peuvent susciter des critiques légitimes, il est un mouvement ancré dans la société palestinienne. Alors qu’il avait refusé les accords d’Oslo et toutes les institutions qui lui étaient liées, le Hamas a accepté de participer aux élections de janvier 2006, dont il est sorti vainqueur. La délégation d’observateurs de l’Assemblée nationale française avait salué « le déroulement libre et sincère de cette élection, sa bonne organisation matérielle et le caractère significatif des résultats proclamés » .

Devant l’Assemblée nationale, le 14 janvier 2009, Jean François Legrain a décrit les raisons qui ont poussé les Palestiniens à choisir le Hamas : « lutter contre la corruption, l’anarchie et le chaos sécuritaire pour lui épargner la guerre civile à travers la construction d’institutions « saines » […] et la réaffirmation ferme des revendications de libération nationale ». Comme le déclare Robert Malley (ancien conseiller de Bill Clinton pour le Proche-Orient) : « anéantir la force militaire du Hamas, peut-être. Mais détruire sa profonde présence sociale et politique relève de l’illusion ».

Jean François Legrain souligne un contresens à propos du Hamas qui consiste à en faire « un mouvement nationaliste au discours religieux quand il s’agit fondamentalement d’un mouvement de resocialisation religieuse, certes doté d’un agenda politique ». Une fois arrivé au pouvoir, comme beaucoup de partis, le Hamas a commencé à évoluer pour s’orienter vers une position plus pragmatique basée sur la coexistence des deux Etats. Ainsi, le chercheur palestinien Khaled Hroub a montré l’évolution du parti en analysant son programme avant et après les élections législatives de janvier 2006. Le Hamas est devenu « une organisation profondément différente ». Les références religieuses sont moins présentes, ses préoccupations se tournent vers l’aide sociale et la gouvernance. Le thème de la lutte armée est aussi beaucoup moins important et « l’évolution est nette en ce qui concerne la solution des deux Etats ».

A deux reprises, la possibilité d’une évolution du Hamas, qu’aurait rendu nécessaire l’exercice du pouvoir, a été empêchée : par la non reconnaissance, d’Israël et de la communauté internationale,de son gouvernement formé en février 2006 et le rejet du gouvernement d’union nationale palestinien de février 2007.

De Jimmy Carter à Robert Malley ou l’ancien diplomate français Yves Aubin de La Messuzière, la nécessité d’un dialogue politique avec le Hamas est de plus en plus clairement affirmée. La position officielle française, et celle de plusieurs pays européens, commence aussi à évoluer .

La position israélienne qui consiste à refuser de voir dans le Hamas un interlocuteur, bien que représentant élu des Palestiniens, est identique à celle qui prévalait vis-à-vis des dirigeants palestiniens, dont Yasser Arafat en 2001, Ariel Sharon le qualifiant d’« insignifiant ». Pendant 20 ans, Israël et les Etats-Unis ont refusé de dialoguer avec l’OLP, accusée de terrorisme et de ne pas reconnaître l’Etat israélien. Alain Gresh rappelle à ce sujet que « les accords d’Oslo ont été signés avant que la charte de l’OLP n’ait été officiellement abrogée par le Conseil national palestinien ».

6. « L’opération Plomb durci a atteint ses objectifs et même au-delà ».

Les conséquences politiques de l’attaque sont désastreuses. Si le Hamas est affaibli militairement, il reste un acteur politique incontournable, dont l’audience au sein de la population palestinienne va probablement croître encore. L’attaque israélienne a affaibli Mahmoud Abbas et discrédité l’Autorité palestinienne. A nouveau Israël est dans une position où il n’a plus, par sa propre action, d’interlocuteur palestinien crédible.

Enfin en termes d’image, l’attaque israélienne a été un échec. Ari Shavit , un des principaux éditorialistes du quotidien « Haaretz » et fervent défenseur de cette « guerre juste »écrivait : « Le niveau de pression que les Forces de Défense d’Israël ont exercé sur Gaza a peut-être coincé le Hamas, mais il détruit Israël. Il détruit son âme et son image. Il a détruit Israël sur les écrans de télévision du monde entier, il l’a détruit dans les salles à manger de la communauté internationale… ».


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